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le pouvoir et le vivant

éditorial sept 2012 par Pierre Dagallier

Faire émerger une Université du Vivant est la tâche que s’est donnée PEUV. Les initiateurs, en 2008, avaient le sentiment de la justesse de cette entreprise, qu’ils voulaient élaborée de façon plurielle et collective, et destinée au plus grand nombre. Pas le plus grand nombre à mettre sous la coupe d’un nouveau paradigme, mais le plus grand nombre de citoyens qui se sentent concernés, interpellés par la nature du vivant, sa spécificité, et par le respect qu’il inspire.

L’idée était donc de remettre le pouvoir de faire vivre cette initiative à un groupe humain conscient de la nécessité du projet, et tenté par l’exploration du nouveau, qui passe par l’humilité de laisser derrière soi les habitudes, voire les certitudes et les formatages du passé.

Accepter les vérités multiples, associer les points de vue variés, s’appuyer sur cette diversité comme une force de créativité permettra d’aller vers quelque chose qu’on ne connaît pas à priori, mais qui sera une nouvelle enveloppe, vaste et accueillante, et aussi fertile et efficace pour avancer dans la connaissance du vivant.

Une telle entreprise ne peut pas être un enjeu de pouvoir sous peine de péricliter prématurément. S’approprier le projet demande bien entendu de s’appuyer sur la réalité, celle que l’on connaît dans un premier temps, qui donne les repères et permet les premiers pas. Le projet transversal –largement relayé sur ce site - qui s’est déroulé en 2011 a été cette étape. Il a permis d’éprouver des façons de se rencontrer, il a permis d’affiner nos perceptions variées du vivant, il a ouvert des perspectives de travail à effectuer pour poser collectivement les pas suivants vers l’UV.

Tout cela demande une « gouvernance », qui passe par des décisions, des mises en œuvre, des évaluations, puis de nouvelles décisions… Le groupe de personnes en charge de cette gouvernance le fait en toute responsabilité, au mieux de sa perception des pas à franchir.

Cette responsabilité est transitoire, et contient sa propre transformation. C’est avoir un flambeau entre les mains à transmettre. L’enjeu est toujours la vigilance de mettre en pouvoir plus que de prendre le pouvoir. L’intérêt de la multitude de points de vue n’est pas que le point de vue majoritaire domine les autres, c’est que chacun soit « mis en pouvoir » pour le bénéfice de tous. Cette mise en pouvoir demande un discernement collectif, pour séparer ce qui appartient à chacun de ce qui, au sein des approches particulières, peut être extrait pour tous, peut élever la connaissance de l’ensemble. Le passage par le partage d’expérience est pour cela fécond : il demande implication et confiance. Cela a été vécu, de façon à chaque fois différenciée, au cours des différentes rencontres du projet transversal. Dans la foulée, des groupes de travail seront mandatés pour approfondir cette approche collective (par ex un groupe travaille sur la perception sensible des plantes, d’autres pourraient se pencher sur l’épistémologie de la biologie moderne, etc.)

Au fond, le vivant est une expression de pouvoirs d’être. Pouvoir être, c’est donner ce que l’on est ! La mort, qui est partie constituante du processus de vie, est aussi don. Mais prendre le pouvoir sur le vivant, c’est le condamner à mourir prématurément, c’est l’empêcher d’être pleinement. Les nouvelles technologies illustrent bien cette prise de pouvoir au profit d’intérêts particuliers. (cf livret sur les nouvelles technologies). L’ambition d’aller vers une UV, c’est le projet d’avoir la re-connaissance du pouvoir d’être des êtres vivants. Et pour cela la gouvernance de la future UV, donc la façon humaine de mener les objectifs, et de les mettre en œuvre, aura à cœur de donner le pouvoir d’exister, dans son domaine qui est la connaissance du vivant, à un maximum d’initiatives respectueuses du vivant. Cette gouvernance reste à imaginer, inventer, expérimenter. PEUV est un des lieux pour cela. Sa réalité est son statut juridique et son organisation interne, qui sont un premier cadre. Si celui-ci était définitif, ce serait une prise de pouvoir incompatible avec les objectifs d’une UV. La pratique d’une gouvernance vivante est donc au cœur de la future Université du Vivant. Etre en recherche sur le vivant, c’est aussi être en recherche de cette gouvernance.